Les défis des jeunes immigrants noirs africains

July 30, 2021




Stéphane Chouapi, originaire de l’Ouest Cameroun et plus précisément du village Bandja. Immigrant au Canada depuis 7 ans.


Q: Bonjour Stéphane, que penses-tu des défis  des hommes africains d’aujourd’hui ?

Sur le plan familial :  choc culturel et peur d'être confronté aux travaux dits féminins dans la culture d’origine. Par exemple, ce que certains hommes ne faisaient pas en Afrique ( Ménage, vaisselle, lessive , cuisine, ...etc ). Peur de ne plus avoir le monopole en tant que chef de famille dans une société aux mœurs différentes de celles reçues lors de son éducation en Afrique.

Sur le plan du couple et des relations amoureuses: Peur de ne pas trouver la personne idéale pour cheminer dans un pays qui favorise la vie à deux, peur de se retrouver dans une séparation qui pourrait mettre en péril son statut ou son avenir dans le nouveau pays de résidence.

Sur le plan de la parentalité: La venue d’ un nouveau-né (dû au manque de ressources humaines en cas de nécessité) provoque chez certains hommes un stress permanent. Une difficulté à s’adapter correctement.

Sur le plan professionnel: La peur de perdre son emploi , le stress lié aux factures quotidiennes, le stress des finances liées aux besoins familiaux (famille nucléaire et élargie)

Sur le plan du rapport à la culture d’origine: Dualité fréquente de deux cultures totalement différentes provoquant souvent de la nostalgie. Choc culturel qui devient la source d’une sorte d’ anxiété et d’ insatisfaction en lien avec le nouveau pays de résidence.

 

Q: C’est quoi un homme qui a réussi selon toi?

Un homme qui se suffit et qui s’assume financièrement.

 

Attentes que la famille et la société ont envers lui: un homme qui joue son rôle de chef de famille, qu’ il puisse apporter sa contribution physique, morale et financière à la famille.

Ses propres attentes : En général, il recherche le calme et la paix de l’ esprit. 

 

Q: Et si on parlait un peu des peurs? Quelles sont celles que tu identifies chez quelques hommes que tu connais?

  • La séparation ou le divorce 

  • La peur de ne pas pouvoir atteindre ses objectifs de carrière

  • La peur de ne pas avoir assez d’ argent pour subvenir aux besoins de la famille


     

Q:  Quelles pourraient etre les solutions à ces peurs?

La communication et la préparation psychologique pour pouvoir affronter ses inquiétudes et trouver des solutions.

 

Q: Comment un homme manifeste-t-il en général sa détresse? 

Dans sa manière de communiquer ou de se comporter. Une interprétation méticuleuse de ses mots pourrait laisser entrevoir une sonnette d’ alarme selon laquelle il ne se porte pas bien.                                                                                                                                                               

Q: Face à la perte culturelle que nous vivons actuellement au sein de la diaspora, quel est le rôle des hommes dans le maintien de nos repères?

Perpétuer et maintenir les valeurs culturelles au sein de sa famille. 

 

Q: Comment la société canadienne influence t-elle le comportement des hommes en tant que conjoints, maris et pères?

La société Canadienne est matriarcale, ce qui met l’ homme très souvent au second plan. Ce qui peut être une source de frustration et de déclin au niveau des responsabilités des conjoints qui n’ ont pas été psychologiquement préparés à affronter cette nouvelle vie

 

Q: Le sentiment de honte et d’humiliation, comment est-il vécu ?

Il est très mal vécu par les hommes Africains qui ont un très fort égo. ils se sentent rabaissés, dévalorisés, inutiles.

 

Q: Qu’est-ce qui peut causer de la honte et de l’humiliation?

Très souvent cela peut venir de sa conjointe qui ne le valorise pas assez pour ce qu’ il fait pour la famille , ensuite les frustrations de ne pas être considéré sur le plan professionnel malgré des compétences solides.

 

Q: Quelles sont les conséquences qu’on peut observer?

Le silence, l’isolement, le repli sur soi, la violence verbale,  physique ou psychologique. Cela dépendra des caractères des personnes concernées ainsi que de leur capacité à gérer leurs émotions. C’est important d’avoir de l’aide pour éviter que les situations ne dégénèrent.

 

Q: On parle souvent de la frustration et de la violence de certains hommes qui ont fait venir leur épouse du pays, qu’en penses-tu?

Effectivement lorsque ces hommes sont incompris et très souvent humiliés par leurs conjointes, ils se remémorent les efforts investis: financiers, énergétiques, et surtout le facteur temps. Ce qui les pousse très souvent à commettre des fautes graves.

 

Q: Le mot de la fin?

Je pense il y’ a un très grand travail de fond à faire pour les nouveaux venus et aussi pour ceux qui résident déjà au Canada. L’objectif est de les amener progressivement à réaliser que les mœurs ont changé, la culture est différente et ce n’ est que dans un climat de paix et de construction qu’ ils pourront s’ adapter dans le nouveau pays d’ accueil. 

 

Ceci dit, il est important de préparer leur psychologie à la réalité ambiante. Les accompagner en cas de difficultés et surtout, renforcer les liens d’ une communauté soudée autour d’ un idéal de réussite communautaire.

 

Propos recueillis par Yann Vivette TSOBGNI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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