Mon expérience de père et de citoyen dans un contexte multiculturel

30 juillet 2021



Photo crédit: jeune père de famille

Entrepreneur, consultant en éducation, leadership coach certifié, conférencier international, critique littéraire et chroniqueur radio pour les questions d'éducation et d'immigration, je m'appelle Bertrand Ndeffo et je cumule 20 années d'expérience en éducation en Suisse et au Canada.


Q: Bonjour Bertrand que peux-tu nous dire de ton expérience en tant qu’homme noir, africain au Canada?


En quelques mots, je parlerai de la découverte de l’Autre les premiers mois: son langage, son alimentation, ses habitudes, son histoire, sa culture, sa représentation du monde. Puis, il faut donner sens à toutes ces données et les intégrer à sa propre représentation du monde. On passe donc de l’ordre au chaos, puis du chaos au nouvel ordre. L’important ici, c’est de ne jamais perdre son équilibre ni sa destination. Par exemple, j’ai été choqué de découvrir que les étudiants-es pouvaient prendre leur repas (pas seulement une collation, mais tout un repas) en salle de cours librement. Ni au Cameroun, mon pays d’origine, ni en Suisse, où j'avais passé trois ans, cela ne se faisait. Au bout de quelques mois, j’ai compris pourquoi tant de personnes consomment leur repas en cours ici et pourquoi cela ne choque personne à l'exception des nouveaux immigrants. Vous vous imaginez bien qu’il m’est arrivé de prendre mon repas en cours par la suite, moi aussi.


Q: Comment te situes-tu par rapport à ta culture d’origine?

Ma culture d’origine coule en moi. Je suis heureux de pouvoir y replonger durant mes séjours au Cameroun, durant mes conversations téléphoniques avec mes parents, pendant certains événements communautaires et grâce à mes enfants qui me posent beaucoup de questions à ce sujet. Mes expériences de travail avec les jeunes du secondaire et du post-secondaire, mes conférences et formations en Ontario et ailleurs au pays, m’ont permis au fil du temps de partager des pans de ma culture d’origine. J'apprécie l'intérêt des personnes que je rencontre pour cette culture.

 

Q:  Quelles sont selon toi les difficultés principales rencontrées par les hommes noirs africains au Canada ? Quelles pourraient être les solutions?

 

L'accès aux emplois à la mesure de leurs compétences. La faiblesse de leur réseau social explique en partie cette situation. Voilà pourquoi je souligne dans mes conférences et mes accompagnements l’importance du bénévolat comme solution à l'épanouissement social et professionnel. Enfin, il y a la difficulté d'accéder au financement pour les entrepreneurs et porteurs de projets noirs africains. Les décideurs du pays ont commencé à s’attaquer à ce problème, ce que je salue.

 

Q: Sur base de ton expérience de père, comment conçois-tu l'éducation des jeunes garçons d’origine africaine au Canada?  

 

Je parlerai d’une éducation africaine (selon le pays d’origine) en sol canadien. Il m’importe de transmettre ma culture d’origine à mon fils, tout en lui faisant comprendre la culture du pays dans lequel il est né. Des différences importantes apparaissent, bien sûr. J’en discute avec lui. Dans quelques années, il fera ses propres choix librement et en connaissance de cause. En un mot, mon rôle est celui d’un ambassadeur et d’un médiateur. Plus que moi, je crois, il sera confronté au défi de la définition de son identité, de la gestion de son identité et de la négociation de son identité. Souvent, malheureusement, les jeunes sont éduqués seulement à la définition de leur identité.

 

Q: Quels conseils donnerais-tu aux hommes et aux jeunes en ce qui concerne leur identité et leur adaptation?

 

Chers frères, restez fiers de vos origines ou de celles de vos parents. Puisque l'identité ne saurait être fixe, mais plutôt en mouvement selon le contexte, soyez ouvert à votre pays. Impliquez-vous socialement pour contribuer à façonner son avenir. 

Partagez vos valeurs et votre culture selon votre champ d’action. Fixez-vous des objectifs élevés. Modifiez-en le trajet s’il le faut, mais jamais la destination. Votre avenir vous appartient.

 

Q: Un dernier mot pour la santé mentale des hommes?

Les derniers mois ont été particulièrement difficiles pour la santé mentale de toute la population, y compris celle des hommes. Il s'avère donc important qu’ils prennent davantage soin d’eux. Que l’on soit étudiant, professionnel ou entrepreneur, il est normal de ne pas atteindre son meilleur niveau tout le temps. La traversée du désert prépare de grandes victoires lorsqu’on garde les yeux fixés sur la coupe. Enfin, n'hésitons pas à nous faire accompagner par des mentors ou des professionnels-elles.

 

Propos recueillis par Yann Vivette TSOBGNI.

 

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