Blog Immigration & Choc culturel

Le regard des autres

March 25, 2021




Comment nous perçoivent les autres? quelles sont les questions qu’ils se posent Ă  notre sujet? et surtout qu’est ce qu’ils auraient aimĂ© savoir pour mieux nous comprendre? Ces questions, nous nous les posons aussi quand nous rencontrons des personnes issues de diffĂ©rentes cultures.


Cassandra E., une de nos stagiaires, nous partage son questionnement en tant que future intervenante qui pourrait se retrouver confrontĂ©e Ă  une communautĂ© noire dont elle comprend encore peu les diffĂ©rences culturelles. 

Comment approcher l’autre dans sa différence, quand je dois lui apporter mon aide professionnelle?


Je m'appelle Cassandra El Helou., je suis étudiante en deuxième année de maitrise en travail social et je fais mon stage en recherche-action dans le thème de la santé mentale et de l’interculturalité au sein de l'Institut Résiliences.

 

Q: Parle- nous un peu de ton expérience avec la différence culturelle, que ce soit au niveau scolaire ou des amis


Selon mon expérience au Québec, la diversité des cultures présente est plutôt vue comme une différence. En effet, les politiques sociales et la vision des valeurs d’une société québécoise rappellent une perceptive ethnocentriste. Étant une personne issue de l’immigration de deuxième génération, être née au Québec et adopter le style de vie, les valeurs et la langue ne représente que des moyens de s’intégrer. Seulement, je me questionne sur la réelle définition d’une intégration complète, parle-t-on vraiment d’intégration quand les origines ethniques et culturelles seront toujours source d’oppression et de marginalisation? Quand est-ce que cette intégration prend fin?


Enfin, il est difficile de trouver un réel sentiment d’appartenance à la société d’accueil si nous ne sommes jamais vraiment « assez » québécois. Nous pourrions faire référence à une volonté d’assimiler et de renforcer l’idée qu’une culture idéale (supérieure). Le racisme systémique présent dans les structures de la société se perpétue dans les interactions et les microagressions que peuvent vivre les personnes s’identifiants aux minorités visibles au travail comme à l’épicerie.


Le résultat des regards des autres sur cette différence culturelle se perpétue au détriment de la santé mentale et physique des personnes en question. Combien d’employeurs ont demandé « d’où viens-tu ? » lors d’un entretien? Combien ne se sont pas fait embaucher pour la dénomination de leur nom riche de sens ou leur couleur de peau riche d’histoires? La réalité des personnes appartenant à un soi-disant groupe de « minorités visibles » n’est que des minorités visibles puisque la société se place à l’opposé des cultures et renforce la dichotomie entre le « nous » et « vous ».

 

Dans mon expérience au milieu scolaire québécois, je n’ai pas été épargné d’instances de microagressions et du sentiment d’injustice lié à ma culture. C’est une réalité que je vis toujours, seulement avec une meilleure compréhension des implications et de la portée d’un simple commentaire.

 

Q: Qu'est-ce que tu trouves enrichissant dans la culture des autres? Le rapport Ă  l'autre?


Le rapport à l’autre est essentiel à une vision globale et à une ouverture aux multiples cultures et manières de faire. De même, ce que je trouve le plus enrichissant est de chercher la similitude dans nos différences. Nos cultures comme nous les connaissons aujourd’hui ont elles mêmes été transformées à travers les différents contacts avec d’autres cultures. Selon moi, il est tout autant enrichissant pour les cultures d’interagir avec d’autres et de se transformer avec le temps ou il est possible de le faire.

 

Q: En tant que future intervenante, que trouves-tu important de savoir quand on travaille avec des communautés multiculturelles?


En tant qu’intervenante, une erreur fréquente est de croire que notre culture ou notre manière de voir et de faire est celle à privilégier. À priori, nous devrions tous apprendre et être prêts à remettre nos propres croyances en question et apprendre des autres. Nous devons nous adapter et chercher à centrer l’approche autour du système de croyances et de valeurs des personnes avec lesquelles on intervient. Tout cela est seulement possible si l’intervenant se remet en question et prend l’initiative dans ce processus d’adaptation à l’autre.




Q: Quelles sont les questions que tu te poses quant aux besoins des immigrants issus des communautés noires en particulier? Que penses-tu avoir besoin de comprendre?


​Les questions que je me pose tournent souvent autour de : comment est-ce que cette personne (ou communauté) aimerait être approché dans un contexte d’intervention; qu’est-ce qui est plus tabou; quelle approche est plus appropriée; qu’est-ce qui est à prendre en compte? le lien de confiance sera-t-il plus important à construire? Je pense devoir comprendre que je ne serais jamais une intervenante qui peut prétendre comprendre ou avoir terminé de comprendre mon positionnement de privilège par rapport à ma couleur de peau.


De la même manière que les communautés noires sont constamment rappelées du privilège des autres (racisme, préjugés, agressions, etc.), je me dois de m’ouvrir à des auto-réflexions et à la remise en question tout au long de ma carrière et au-delà de celle-ci.

 

Q: Quels sont les cours de ton programme d'études qui t'ont le plus aidé à renforcer tes connaissances en interculturalité ?


Conjointement Ă  mon cours en intervention interculturelle, j’ai complĂ©tĂ© un stage au Centre Catholique pour Immigrants. Cela a Ă©tĂ© une expĂ©rience pivotante dans mon processus d’apprentissage sur les systèmes de valeurs et des croyances des personnes appartenant aux communautĂ©s noires. Mon superviseur ayant lui-mĂŞme immigrĂ© de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, et les personnes se prĂ©sentant au centre Ă©tant eux-mĂŞmes principalement des personnes appartenant aux communautĂ©s noires, j’ai dĂ» m’adapter Ă  un rythme de travail diffĂ©rent et Ă  une approche personnalisĂ©e.  Ceci a Ă©tĂ© possible car j’appliquais les apprentissages faits dans mon cours et j’acceptais le fait de ne pas toujours avoir les rĂ©ponses.

 

Q: Quelles sont les valeurs de ta culture d'origine que tu trouves importante pour ton identité et tes repères ?


​Les principales valeurs qui m’aident à être qui je suis sont certainement le respect, l’honnêteté, l’humilité et l’empathie. Par-dessus tout, le respect pour mes ainés m’a permis de prendre le temps d’écouter et de comprendre leurs besoins très rapidement.

 

Q: Comment trouves-tu l'adaptation en tant qu'immigrant au Canada? Qu'est-ce qui est facile? Difficile? Y'a -t-il des risques pour la santé mentale?


​Bien que je n’aie pas immigré moi-même d’un pays à l’autre, il y a des risques pour la santé mentale. Tout d’abord avec le choc culturel à l’arrivée, mais aussi plusieurs années après. L’isolement, le manque de soutien, les fausses promesses d’immigration et le traitement réservé aux personnes immigrantes et aux minorités visibles sont certainement source de stress, d’hypervigilance ou du sentiment d’impuissance.

 

Q: Qu'as-tu appris avec ton stage chez RĂ©siliences? 


​Depuis le début de mon stage, j’ai appris à travers mes lectures et les propos des personnes participantes que la réalité des communautés noires n’est pas si différente des autres en termes de santé mentale. Seulement, l’expérience des difficultés est caractérisée de différente au niveau du système de valeurs, des croyances ainsi qu’au niveau du rapport aux spécialistes en santé mentale ou en position de pouvoir. Entre autres, au Canada, le système de santé n’inspire pas confiance et perpétue même les préjugés, stéréotypes et biais envers ces communautés. Enfin, je réfléchis à l’impact de l’intersection des barrières suivant les tabous en santé mentale et des barrières systémiques.

 

Q: Comment en tant que future professionnelle tu penses pouvoir contribuer à promouvoir la multiculturalité dans tes interventions?


​Je pense pouvoir contribuer en cherchant à continuellement apprendre des autres et en n’ayant pas peur de faire des divulgations volontaires sur ma propre identité. Mes interventions se doivent donc d’être personnalisées.

 

Q: Un dernier mot?


​Finalement, lorsque je pense à mes futures interventions, j’espère me présenter comme je suis, avec mon propre bagage culturel et accueillir l’autre.


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