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Mutilations génitales: L’excision

March 26, 2021




Selon l’OMS, Les mutilations sexuelles féminines sont des interventions qui altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales. Elles ne présentent aucun avantage pour la santé et sont préjudiciables à bien des égards aux jeunes filles et aux femmes. Ces interventions sont le plus souvent pratiquées par des circonciseurs traditionnels, qui jouent souvent un rôle central dans les communautés, notamment en tant qu'accoucheurs.


Il existe plusieurs types d’excision. Celles-ci se différencient en fonction de la région et de la communauté d’origine. L’âge des filles au moment de l’excision varie également beaucoup.

Le type d’excision varie en fonction de la région et de la communauté d’origine. L'OMS en distingue quatre:

  • Type I (clitoridectomie): ablation partielle ou totale du clitoris externe et/ou du capuchon du clitoris.

  • Type II (excision): ablation partielle ou totale du clitoris externe et des petites lèvres avec/sans ablation des grandes lèvres.

  • Type III (infibulation ou «excision pharaonique»): rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris.

  • Type IV: toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, par exemple la perforation ou le déchirement des organes génitaux internes et externes.

    Quel impact sur la santé mentale? Fatou Soukouna, Éducatrice spécialisée, et Cheffe de service,  nous parle de cette pratique culturelle, de la question du  sens et de ses conséquences.

Q: Bonjour Fatou, tu veux bien te présenter à ceux qui nous lisent?


Oui bien sûr, Je m’appelle Fatoumata et je travaille comme cadre dans le domaine de la protection de l’enfance. L’objectif de nos actions est de protéger et d’accompagner des jeunes et leur famille en difficultés. Je suis également d'origine malienne (ethnie soninké),  née en France, j’y ai grandi aussi.

Q: Quels sont tes constats en lien avec l’excision?


Pendant mes années d’exercices professionnelles, j’ai été confrontée à de nombreuses reprises, à des problématiques culturelles telles que la pratique de l’excision. Les conséquences sont assez visibles et nombreuses au niveau du comportement des personnes qui l’ont subies. Au travers de nos interventions, nous avons constaté des problèmes  comme la perte de confiance et d’estime de soi, l’instabilité émotionnelle et relationnelle, ainsi qu’une construction identitaire altérée. Il a souvent été nécessaire d’accompagner les femmes pour libérer la parole à travers différents outils éducatifs. Comme on le dit si bien, la parole libère, soulage et permet de prendre du recul pour faire face à ce problème. L’expression des émotions est la porte d’entrée qui permet à la personne de déposer son sac et ainsi, entamer un travail thérapeutique. 

Q: Quand et pourquoi pratique t-on l’excision?

Cette pratique est mise en oeuvre pour dit-on, “protéger” la femme de son désir sexuel. Le but est de “castrer” la femme afin de la préserver d’avoir des rapports sexuels avant le mariage. Bien évidemment, cette pratique expose à des dangers physiques, psychologiques, relationnels et bien d’autres. 

Pour ces raisons, il faut dénoncer ces comportements cruels et permettre aux victimes de se reconstruire et d’inverser les rôles : “la peur doit changer de camp”.  Ce slogan illustre bien la façon dont on doit replacer la place de chacun et reconnaître la victime comme l’auteur de cet acte. 

Q: Qui pratique l’excision?


Ce sont bien souvent les femmes (les mères, tantes, grand-mère) qui sont porteuses de cette “tradition”. Les hommes se contentent de demander avant un mariage si la fille est pure ou pas (sous-entendu : est-elle excisée?).

Q: Quelles en sont les conséquences pour la femme ?

Les conséquences sont multiples : 

-Physiquement : douleurs accrues lors de l’accouchement, lors des rapports.

-psychologiquement : troubles alimentaire, insomnie, hygiène de vie délétère, manque d’estime et de confiance.

-sexualité : douleur et gêne lors des rapports, le fait de se sentir différentes (incomplète).


La réaction des hommes  a un rôle important dans la mesure où leurs paroles peuvent aider ces femmes. Concernant le couple, il peut être compliqué d’avoir une vie conjugale stable (les hommes savent qu’ils ne peuvent pas donner du plaisir à la femme ce qui les frustre). Cela peut finir par avoir raison de leur couple. 


Q: Chose curieuse, car on se retrouve donc dans une situation dont le résultat ne convient a personne, ni à l’homme , ni à la femme? 


En effet.

Q: Pourquoi est-ce tabou?

C’est une pratique banalisée et taboue au sein des familles. Il peut y avoir un malaise lorsque l’on pose la question aux femmes qui acceptent que leur fille se fasse exciser. Souvent, il s’agit de suivre aveuglément une pratique sans se poser de questions.

Les femmes ont honte d’en parler et se murent dans un silence qui les emprisonne. Elles se sentent parfois coupables envers elles-mêmes. 


Q: Que pourrais-tu dire aux femmes qui ont vécu cette situation?

Je souhaite adresser un message à ces femmes justement. Elles ne sont pas seules ! Elles peuvent solliciter des psychologues pour les accompagner dans l’expression de leurs émotions. Le plus important et le plus compliqué à faire en premier lieu est de dénoncer. Leur faire comprendre qu’elles sont des victimes et non des coupables.

Porter une attention sur la santé sexuelle et reproductive de ces femmes car il existe de nombreuses conséquences sur leur santé. 


Sensibiliser sur l’excision et les conséquences pour contribuer a la prise de conscience et encourager les femmes a en parler pour recevoir du soutien si elles en ont besoin. L’excision est une aberration humaine. Ces pratiques culturelles ne sont que le reflet de l’ignorance. L’ignorance qui brise, tue et emprisonne la liberté des femmes. 


Note de la rédaction


Alice Walker, 1992. 

C’est en 1992 qu’Alice Walker, la première femme noire à avoir reçu le prix Pulitzer, publie le roman Possessing the Secret of Joy. Celui-ci met en scène les effets néfastes des mutilations génitales sur le personnage de Tashi, une jeune femme à l’esprit vif et à l’imagination fertile.

Elle passe le plus clair de son temps avec sa meilleure amie Olivia et son frère Adam qui sont les enfants du missionnaire américain, venu au village pour transmettre sa foi. Dans cette société, celle des Olinkas, l’excision est considérée être le rite de passage entre l’enfance et l’âge adulte. Tashi choisira volontairement de se soumettre à ce rituel, ignorant les conseils de sa mère, d’Olivia et d’Adam, pensant ainsi prouver son appartenance à sa culture ancestrale.

Cependant, l’excision provoquera plutôt un traumatisme qui la maintiendra dans un état passif jusqu’à ce qu’Adam la retrouve et l’emmène avec lui aux États-Unis, où il l’épousera. C’est dans cette terre étrangère qu’elle entame une psychothérapie pour tenter de se sortir de son état dépressif. 

Alice Walker dresse, dans son roman, un portrait fort des conséquences néfastes que peuvent entraîner les mutilations génitales sur celles qui en sont victimes. La dépression, la perte du plaisir sexuel et le sentiment d’incomplétude sont, en effet, certaines des multiples répercussions des mutilations génitales.





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