Mon parcours d'étudiant international

July 30, 2021



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Mohamed Coulibali est installé au Canada en tant qu’étudiant international depuis 2016. Il nous analyse son parcours en quelques lignes.

Q: Bonjour, pourrais-tu en quelques mots t’introduire à ceux qui nous lisent ?

Mohamed Coulibali, étudiant étranger, finissant à la maîtrise en mathématiques à l’Université Laval.

Q: Pourquoi avoir choisi de poursuivre tes études au Canada ?

Il y a toujours les causes puis les raisons. Au départ, il y a juste l’envie de toucher du doigt un ailleurs, un autre mode ou rythme de vie. Je suis aussi attiré par les technologies de rupture par exemple en aérospatial, transport, informatique etc ; et le Canada est particulièrement bien placé sur un plan géographique comme proche des US, et un plan académique/économique avec Montréal, la Mecque de l’IA. En plus, on parle Français au Québec.

 

Q:  Est-ce que tu as expérimenté ce fameux choc culturel ? Si oui, de quelle manière ?

Pas un choc mais la réalisation d'une différence évidente. J’étais un peu au courant que les mœurs, habitudes seraient autres. J’avais des modèles mentaux. Théoriquement, je savais. Mais le vivre c’est encore autre chose. En revanche, il y a des spécificités assez déroutantes : sur le campus, tu peux converser 5 minutes avec une personne qui par la suite t’ignorera complètement si tu la croises dans un couloir. On s’habitue.


Q:  Aujourd’hui, te sens-tu totalement intégré ou te sens-tu encore en recherche d’équilibre ?

Ça dépend du sens qu’on donne à “intégration”; je suis certainement un résident fonctionnel qui vit bien au milieu des Québécois. Je ne peux pas dire que je suis devenu un néo-Québécois.


Q:  On dit souvent que l’immigration est un phénomène qui comprend un avant et un après. De quelle manière vivre au Canada t'a- t-il affecté ?

Certainement. C’est difficile de distinguer dans la trajectoire humaine en général, l’effet du pays d’accueil. Mais il me semble que je me suis rapproché culturellement des gens d’ici. Sur le rapport avec le temps par exemple.

 

Q: Penses-tu que la personne immigrante que tu es aujourd’hui pourrait facilement se réadapter à la vie dans son pays natal ?

Je suis arrivé super jeune ici. Mon pays a dû beaucoup changer aussi depuis la dernière fois que j’y ai vécu. Je suis certain de pouvoir m’y plaire ; a priori j’ai déjà fait l’adaptation dans le sens inverse. Ce ne sera sûrement pas exempt de toute frustration mais rien d’insurmontable.

 

Q: Une croyance populaire veut que les étudiants partis à l’étranger nourrissent un fort complexe de supériorité par rapport à ceux restés dans leur pays d’origine. Comment pourrais-tu expliquer ce phénomène ? 

Je ne connais pas cette croyance. En revanche qu’il y ait, à l’inverse, un complexe d’infériorité, oui. Alors c’est une tendance générale dans les pays dits du Sud ou en voie de développement. Forcément le badge de la supériorité économique est recousu sur toutes les chemises, celles des diplômés de retour au pays en particulier. Parfois à tort, parfois à raison. On peut reconnaître que certains pays sont en avance sur d’autres dans la formation sur plusieurs domaines. Reste que très souvent d’excellents professionnels sont formés localement ; et que toute appréciation de compétence devrait être purement individuelle et non pas basée sur une évaluation de groupe.

 

Q: Pour en revenir à tes études, as-tu déjà senti que tes compétences étaient remises en question par tes professeurs, assistants à l’enseignement ou même camarades de classe, en raison de ton origine ethnique ?

Non, jamais. D’ailleurs je me pose cette question : Comment pourrai-je savoir ? À quel moment puis-je dire la raison pour laquelle j’ai été sous-estimé aujourd’hui est mon origine ? Pour moi, à moins que ce soit manifeste, et donc là ce n’est plus une sensation, on doit juste se dire “je vais m’imposer demain”. En fait, comme je l’aurai fait à Dakar ou à Abidjan.

 

Q:  Trouves-tu, par ailleurs, que c’est un biais qui a pu affecter tes performances académiques ?

Alors là pas du tout, j’ai la chance d’étudier dans un domaine de science plutôt exact où la pire mauvaise foi pourrait difficilement biaiser les évaluations. En revanche, je comprendrai que l’existence d’un biais pourrait éventuellement affecter d’autres étudiants dans d’autres disciplines. Cela dit, si je ne nie pas son existence, il ne me semble pas que ce soit une pratique répandue ou significative.

 

Q: Quelques conseils pour ces jeunes africains qui souhaiteraient venir étudier au Canada ?

 

On pourrait parler de plein de choses. Mais je pense qu’une chose qu’ils risquent de ne pas entendre ailleurs c’est la suivante : Il faut profiter de toute l’expérience universitaire. Les cours ne sont qu’une partie. Il y a des groupes parascolaires, des assos étudiantes, qui travaillent sur des projets d’envergure professionnelle, l’apprentissage se fait aussi là. Essayez d’être plus qu’un relevé de notes. Ne prenez pas le maximum de cours possibles à chaque session, laissez-vous l’espace de faire cette autre chose.

 

 

Q: Parle-nous un peu de ta culture, de vos coutumes et traditions

Il existe des tendances culturelles d’ensemble dans mon pays: l’âge (par le droit d’aînesse) et le sexe occupant une place importante dans la société.  Et il y a aussi des cultures régionales, ethniques, religieuses. Comme tous les ivoiriens je suis à l’intersection de plusieurs influences culturelles.

 

Q: Quels sont les symboles ou les caractéristiques qu’on peut retrouver chez la plupart des ivoiriens selon toi?

Je dirais notre accent français bien spécifique. Les ivoiriens ont aussi un sens de la dérision et de l'autodérision assez spécial.

 

Q: Que dirais-tu à un jeune étudiant canadien qui s’interroge sur les différences culturelles entre le Canada et la Côte d’Ivoire?

Entre le Canada et la Côte d’Ivoire, la relation interpersonnelle en fonction de l’âge et du sexe est assez différente. La relation étudiant-professeur n’est pas aussi égalitaire par exemple, c’est vraiment maître-disciple. Au-delà de ça, les différences sont davantage liées à la structure de l’économie: presque toujours, marchander est la norme par exemple.


Q; La multiculturalité peut être source d’avantages comme d'inconvénients, qu’en penses-tu?

L’avantage majeur de la multiculturalité c’est d’exister, c’est-à-dire que des personnes d’origines différentes puissent se fabriquer une vie commune. L’inconvénient arrive quand la multiculturalité devient une fin en soi. Si le but est une vie commune, l’effort de créer des points communs est indispensable. La Côte d’Ivoire est un pays plus jeune que le Canada dans la construction, donc on a la chance de constater parfois à nos dépens l’importance du commun par dessus la diversité culturelle dans la vie d’un pays.

 

Q: Quel rapport conserves-tu avec ton pays d’origine? ta famille ? tes parents ?

J'ai la plus grande partie de ma famille élargie là-bas; je suis attaché au pays par le sport aussi (j’écoute les matchs de soccer). Je parle régulièrement à mes parents régulièrement.

 

Q: Avant de quitter ton pays, quelles sont les représentations que tu avais du Canada des études universitaires ici ?

En général, j’imaginais les campus à l’américaine comme dans Good Will Hunting. Puis tous les films US avec les équipes de sport universitaires, les pom-pom girls, les geeks, la job étudiante etc. Je ne me représentais pas plus en détails de quoi ça aurait l’air. Pas vraiment.

 

Q: As-tu toujours les mêmes représentations depuis que tu es arrivée ici?  sinon, pour quelle raison?

Disons que l’idée générale reste la même. En beaucoup plus difficile et anxiogène que je l’imaginais. Surtout l’impact de la vie, responsabilité, choix quotidiens.

 

Q: Quels ont été tes plus grands défis concernant l'intégration au système académique canadien ?

S’habituer à ce qu’une session finisse en 13 semaines. Ça ne clique pas immédiatement. Et le renversement de la disponibilité académique. C’est-à-dire qu’en échange de la disponibilité horaire du professeur, c’est à l’étudiant d’aller chercher l’information additionnelle (manuel de cours, anciens travaux, anciens examens) et valider ses apprentissages avec le prof. Il y a aussi une notion de stratégie vu qu’on a le choix, où il faut bien penser au moment où on prend certains cours pour maximiser sa réussite. C’est une responsabilité additionnelle qu’on ne comprend pas tout de suite.

 

Q: Quelles sont les différences que tu vois avec le système scolaire de la Côte d’ivoire ?

Je n’ai pas fait d’études supérieures en Côte d'Ivoire. Seulement, selon les retours que j’ai et mon expérience dans le système pré-universitaire, les cheminements sont le plus souvent fixés d’avance, les sessions d’études plus longues etc.

 

Fatou Coulibali

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